Dylan et Gaspard

La Résistance selon Joseph Kessel

Dans son œuvre L’Armée des ombres, Joseph Kessel écrit :

« Comment cela s’est fait, je n’en sais rien, disait Gerbier. Je pense que personne ne le saura jamais. Mais un paysan a coupé un fil téléphonique de campagne. Une vieille femme a mis sa canne dans les jambes d’un soldat allemand. Des tracts ont circulé. Un abatteur de La Villette a jeté dans la chambre froide un capitaine qui réquisitionnait de la viande avec trop d’arrogance. Un bourgeois donne une fausse adresse aux vainqueurs qui demandaient leur chemin. Des cheminots, des curés, des braconniers, des banquiers, aident les prisonniers évadés à passer par centaines. Des fermiers abritent des soldats anglais. Une prostituée refuse de coucher avec les conquérants. Des officiers, des soldats français, des maçons, des peintres cachent des armes ».

A mes yeux cette citation résume à la perfection ce qu’est la Résistance française : une lutte du quotidien faite par des gens normaux, remplis de bonne volonté, qui, de par leurs petites actions, certes d’apparence dérisoires face à la lutte au front, aident au duel constant face à l’occupant nazi.

La chose la plus intéressante de la citation est pour moi la démonstration des différents types de lutte puisque lorsqu’on parle de résistance on entend d’abord et surtout parler des destructions de voies ferroviaires ou de l’aide aux soldats, Kessel attaque la chose sous un angle tout autre. Il nous fait comprendre deux choses : l’une est que la résistance est composée d’action presque ridicules en nous poussant à réfléchir sur ce qui différencie l’abatteur et la prostituée aux chefs de réseaux et il y arrive avec brio. A la fin de son paragraphe on comprend que la Résistance est composée d’unités plus ou moins indépendantes qui servent à la nation.

La seconde chose qu’on y apprend est la suivante : la résistance n’a pas de grande date qui marque son commencement, à l’inverse elle est spontanée, comme si la résistance était une réponse naturelle à l’oppression et qu’elle viendrait quoi qu’il arrive. Il nous montre la Résistance comme la chose la plus humaine naturelle et même prévisible qui soit.

Ces deux idées servent à humaniser la résistance, à la montrer comme quelque chose de purement et simplement bonne pour la France et que son existence n’est aucunement à remettre en cause.

Ce qu’ils avaient à perdre et à gagner

La famille. Les amis. La liberté. Ces trois courts mots représentent individuellement ce qu’il peut y avoir de plus important pour tout humain. Ces trois termes qualifient pourtant ce que sont prêt à risquer de voir disparaître des personnes dévouées à se battre pour leur pays, leur culture, leur peuple, mais aussi, paradoxalement, leur famille, leurs amis, leur liberté.

Ces prises de courage peuvent aussi, malheureusement, avoir une répercussion sur la vie de bien d’autres, lorsqu’une erreur a lieu durant une opération, un sauvetage, coûte la vie à ceux que l’on essayait d’aider. La décision de se battre pour ce qui est juste peut impacter la trajectoire des combats de bien d’autres, lorsque sous la torture, des résistants sont forcés à dénoncer pour survivre.

Ce danger, de voir s’arrêter la vie de ses proches, c’est ce qu’a par exemple risqué Léonie Lugez, une directrice d’école, lorsqu’elle aida des pilotes alliés présents en France occupée, ou qu’elle hébergea un agent, dont la tête était mise à prix par la Gestapo, dans la maison où elle vivait avec son mari et sa fille.

Ce danger, de perdre sa liberté, de perdre sa vie, c’est celui que Marie Betbeder, professeur de lycée, a décidé d’affronter, pour héberger et sauver des pilotes alliés nécessaires aux opérations militaires, et ce, jusqu’à subir la déportation et trouver la mort dans le camp de Ravensbrück.

La mort, la torture, les blessures, c’est ce que les femmes et hommes qui décident d’apporter leur aide aux agents et pilotes alliés risquent de traverser. Ces Français qui n’avaient a priori rien pour sauver leur pays dans une période si noire, se sont servi de leur bravoure, de leur humanité, pour aider ceux qui faisaient partie d’opérations bien plus grandes qu’eux, au péril de leur vie. Et ce sont pourtant les actions de ces seuls individus, qui pouvaient sembler petites, qui ont permis de sauver la vie de milliers à travers la France, ce sont des actions individuelles qui ont profité collectivement.

Voilà ce qu’avaient à gagner les résistants, pas « seulement » de l’honneur, de la fierté, ou une rédemption sur des actions passées. Les résistants, ceux qui commettaient le moindre geste d’opposition, comme les plus grands combats, avaient à gagner le fait de rendre la liberté à ceux qui l’avaient perdu, de reconstruire ce qui a été détruit, de rendre ce qui a été pris à ceux à qui on a volé, de réunir les familles séparées.

Les valeurs de la Résistance

A mes yeux la résistance a pour principale valeur la fraternité. La fraternité c’est l’empathie, la solidarité, la camaraderie et surtout l’esprit de sacrifice pour ceux qu’on aime et l’essence de la Résistance à l’état le plus pur qui soit. Certains Résistants avaient une femme, un enfant, un parent un ami ou quelqu’un qu’ils voulaient protéger de l’enfer qui les guettaient, et ceux ayant déjà tout perdu sont animés par un esprit combatif de vengeance et de patriotisme.

La Résistance représente aussi en partie l’égalité puisque dans les réseaux de résistance, le seul critère demandé était d’être déterminé et efficace, la Résistance n’avait pas la moindre place pour des emplois quotas ou ne refusait personne pour des choses qui n’impactaient pas la Résistance (couleur de peau, religion etc…).

Enfin, la défense des droits de l’homme et du citoyen était quelque chose de capital pour la Résistance, une majeure partie de leur travail était d’aider les juifs à fuir les arrestations et déportations, à sauver les alliés de la torture allemande et surtout à protéger les juifs ayant fui ou qui se cachent comme la famille de Simone Veil qui a malheureusement finit par être déportée.

En bref, la Résistance est une image de la population française, une armée déterminée et prête à tout pour réussir à sauver ceux qui ont besoin de son aide, qui qu’il soit, quelles que soient les origines ou les croyances.